Cela fait un bon moment que ce billet me trotte dans la tête, et c'est un tweet d'ERDF qui a déclenché l'étincelle permettant sa propulsion sur la toile.
Alors on va faire court : les mots "crypter" et "cryptage" sont un abus de langage. Inutile de les sortir comme une arme intellectuelle en réunion ou dans l'open space, si la plupart n'y verront que du feu quelques autres souriront discrètement.
https://twitter.com/erdf/status/721720950266466305
Décrypter signifie casser, souvent c'est le mot "cracker" qui est employé et qui n'existe pas. D'ailleurs ce mot a aussi été employé souvent à tort quand on parlait des cracks de logiciels. Entre générer un numéro de série avec un générateur de clé (keygen) et aller modifier l'instruction en assembleur à l'aide d'un patch... faut pas tout mélanger. Bref on s'écarte du sujet.
Je vous invite à lire cet excellent billet qui vous expliquera tout, sans douleur (merci @nicolasc_eu pour le lien). Après ça vous n'aurez plus qu'à penser à toutes les fois où vous avez utiliser ces mots alors que ça n'avait aucun sens. La presse (y compris la presse spécialisée) utilise parfois ces mots et contribuent à la propagation de ces abus de langage, surtout depuis que la confidentialité des données personnelles fait la une.
On trouve aussi ces abus dans certains logiciels ou services. Exemple ici avec un "cryptage militaire" à 0m27 :
Chiffrer, déchiffrer. Répéter 3 fois par jour pendant une semaine et les symptômes devraient s'atténuer progressivement. Et je suis sûr que la prochaine fois que quelqu'un fera l'erreur vous repenserez à ce billet 🙂
Pour avoir moi-même fait l'erreur je pense que cette mise au point est la bienvenue.
Complément : excellent article chez NextInpact
note : "encrypter" et "encryptage" sont aussi à bannir, ce sont des anglicismes venant du mot anglais encryption.
Auteur : Mr Xhark
Fondateur du blog et passionné par les nouvelles techno, suivez-moi sur twitter
13 commentaires
Ca me rappel ce que es profs à l'IUT (il y a 10 ans de ça ^^) nous avait indiqué, que la différence entre le chiffrement et le cryptage était l'aspect légal de la chose.
Exemple un état (qui sait déchiffré jusqu'à un certain point) autorise le chiffrement avec une clé jusqu'à 512 bits mais qu'au delà ne se sentant pas capable interdit tout chiffrement avec une clé supérieur. Du coup si on chiffre avec une clé de 1024 bits, on se mets à crypter les données alors que la méthode ne change pas.
Des fois je regrette un peu d'avoir appris ça, parce que je suis contrarié à chaque fois que j'entends une erreur, alors qu'au final ça ne gène pas la communication.
Merci !! Autre article sur le sujet http://www.bortzmeyer.org/cryptage-n-existe-pas.html
@hebussan: oui et non. Oui pour l'aspect légal, mais quand tu pars d'une donnée que tu chiffres avec une clé, en aucun cas tu ne "cryptes", même si utilises du 2048 🙂
@Angristan: merci pour le lien
Ce sujet est complètement inutile. Quand bien même ces mots ne seraient pas français ou des abus de langage, cette perception est totalement hors du temps. A une époque où l'on enrichit très officiellement le vocabulaire de plus mots par an venant de diverses sources comme la recherche scientifique, les usages de langage courant, etc., je ne vois pas pourquoi on devrait faire de dictature de langage à ce point, c'est affligeant. D'autant que les mots existent, il sont dans le dictionnaire et ont le sens qu'on est tenté de leur donner d'amblé. Juste comme ça au cas où :
- Crypter : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/crypter/20845
- Cryptage : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/cryptage/20841
Bon week-end.
@DavidB: que le sujet ne te plaise pas, c'est une chose, dire qu'il est inutile est aussi absurde que de cautionner des mots n'existant pas. Concernant le Larousse je t'invite à lire le billet chez Bortzmeyer posté par Angristan.
Je n'ai pas dit qu'il est interdit d'utiliser ces mots alors quand tu écris dictature des mots forcément ça fait sourire 🙂 Chacun fait ce qu'il veut, tu peux très bien utiliser les expressions massacrées sur NRJ12, c'est juste que tu passes pour un clown.
Ce billet a pour vocation de faire comprendre pourquoi tel ou tel mot existe étymologiquement parlant. Une fois que tu sais ça rien ne t'empêche de continuer à utiliser ces mots, mais tu auras conscience que c'est absurde. Certains lecteurs n'étaient pas au courant ne feront plus l'erreur.
Mais c'est moi ou ce débat n'est plus valable depuis l'utilisation de clefs publiques/privées ?
Wikipédia, chiffrer.info ou ryfe.fr insistent tous sur le fait que, je cite : "la terminologie de cryptage reviendrait à coder un fichier sans en connaître la clé et donc sans pouvoir le décoder ensuite".
Or c'est précisément ce qu'on fait lorsqu'on utilise une clef publique: on ne peut pas décoder le message ensuite , seul le destinataire, avec une clef différente, le peu !
Enfin bref, j'ai de mal à comprendre pourquoi on ne pourrait pas dire "chiffrer" ET "crypter" pour l'opération d'encodage et ensuite "déchiffrer" pour le décodage normal ou "décrypter" pour le crackage.
@aSynchro: crypter/cryptage est un faux anglicisme de "to crypt", il n'a pas de sens en tant que tel. Decrypter veut dire retrouver le message original sans déchiffrer, par méthode de bruteforce par exemple en testant toutes les combinaisons.
je ne suis pas certain qu'on puisse considérer cela comme un anglicisme "vrai" et encore moins comme un "abus".
Le français le vrai, le dur le tatoué, utilise bien la racine crypto pour le même sens comme dans cryptographie. De fait crypter semble être plus en accord avec son domaine qui est la cryptographie que chiffrer qui dans le langage courant s'applique plus à l'estimation du montant d'un contrat (chiffrer un devis par exemple).
Crypter permet d'éviter l'ambiguïté de Chiffrer et il faut le voir comme une amélioration légitime (racine crypto déjà utilisée en français) d'une langage vivante.
De même déchiffrer s'applique le plus souvent au petit enfant qui essaye de lire, il déchiffre, décrypter a moins cette connotation, l'action semble plus "complexe" que simplement déchiffrer. Et c'est bien dans ce sens là qu'on voir dé/crypter être utilisés.
Et puis revenons à l'essence même de la signification. cryptos en grec signifie caché. Décrypter signifie donc dé-cacher, soit dévoiler, percer le secret. C'est bien le travail de celui qui "décrypte". Et le mot est en parfait accord de sens avec son étymologie.
Ce n'est pas le cas de dé/chiffrer.
Déchiffrer est plus vague et en même temps est plus restrictif puisqu'il s'agit de chiffres.
Celui qui décrypte ne travaille pas que sur des chiffres.
Bref, l'ensemble de ces raisons, une fois pris en compte les champs sémantiques, les racines, etc, expliquent parfaitement l'utilisation de crypter et décrypter et donne même raison à cette pratique dans une langue qui est vivante et non morte.
Toute modernisation s'opérant dans une langue vivante peut bien entendu être vue de façon un peu réactionnaire comme un "abus"... Or c'est le peuple qui parle une langue vivante qui la fait et qui a raison, non le dictionnaire 🙂 Les dictionnaires sont des références absolues uniquement pour les langues mortes !
@od: "Celui qui décrypte ne travaille pas que sur des chiffres", mais celui qui déchiffre part de chiffres 0 ou 1 puisque le contenu illisible est exprimé en binaire. Je ne dis pas que tous les mots commençant par crypt* sont invalides en français : cyptographie, cryptologie, cryptoanalyse... je dis simplement que décrypter a du sens dans le sens du "crack" du code (brutforce par ex) mais que crypter par opposition ne peut en avoir. Comme tu le dis la langue vit et aujourd'hui le verbe le plus adapté est "chiffrer" 🙂 cela fait l'unanimité auprès de tous les spécialistes.
@od: Je suis complètement d'accord. Pour moi, le mot chiffrer est vague, et ne peut prendre que le sens de "coder" informatiquement parlant. Concernant l'explication sur les langues vivantes et mortes je suis tout à fait d'accord également.
Concernant les origines anglaises et françaises du mot "cryptage", je suis également d'accord pour affirmer que la racine est nécessairement la même.
Ce sont des débats de gens inutilement tatillons, ils aiment s'affronter sur des détails linguistiques complètement litigieux et poussiéreux, pendant ce temps ils passent à côté de la beauté des langues.