Cela faisait quelques temps que j'hésitais à écrire ce billet, depuis l'arrivée annoncée de netflix en france pour être précis.
Et puis en découvrant ce dessin chez Commistrip... j'ai sauté sur l'occasion. Même si Commistrip a fait un bel amalgamme en mélangeant licence globale et abonnement global...
Promis, ce billet ne sera pas long, il n'a pas vocation à retracer l'histoire de la transition numérique, c'est juste un bref rappel.
Cela tombe bien puisqu'on nous dit que l'Hadopi est au top de sa forme et qu'elle remplirait même sa mission. Ahah nos chers médias sont toujours en forme !
Non mais sérieusement ?
Cela fait donc 5 ans que la Hadopi coûte des millions au contribuable, vous me direz qu'il y a bien d'autres postes de dépenses aussi peu utiles. Personne ne nie qu'il y a un problème de rémunération des artistes sur les nouveaux médias que sont les supports dématérialisés qui peuvent circuler de façon illégale. L'Hadopi était justement là pour réguler tout ça, afin que les artistes touchent enfin ce qui leur était du pour leur travail artistique.
Ah bon ? Peut-on me citer un seul artiste qui se satisfait de l'existance de l'Hadopi ?
L'époque du disque
La Hadopi est une autorité de transition qui tente de sauver le support physique, mort depuis 10 ans. Les maisons de disques continuent de s'accrocher et se plaignent de la chutes des ventes en jettant la pierre sur le piratage.
Non mais t'es sérieux là encore ? Si les ventes de CD baissent tu ne crois pas que c'est parce que plus personne n'utilise de CD ? Tout le monde est passé au baladeur à mémoire, que ce soit dans la voiture ou dans la poche. Le flac pour les puristes, le MP3 pour les autres. Pas faux !
Je me souviens encore quand Deezer a débarqué sur la toile, à l'époque il s'appelait encore Blogmusik.net et nous étions en 2006. En avril 2007 il était obligé de fermer puisque tout le monde disait : mais c'est du piratage ! La Sacem (et d'autres) a obtenu gain de cause en s'appuyant sur la responsabilité des prestataires techniques en cas de contenu manifestement illicite telle que la LCEN le prévoit, tout comme pour Radio.blog.club, vous vous souvenez ? C'est sur cette base que l'hébergeur a procédé à la fermeture du service sur ses serveurs. Les artistes n'étaient certes pas rémunérés à l'époque.
Depuis de l'eau a coulé sous les ponts et Deezer n'est plus une bête noire. Le succès de Spotify a forcé la france à se mettre au dématérialisé légal, sans quoi cela allait être un autre service étranger qui allait canibaliser ce marché. C'est donc une fois de plus à reculons que la france saute le pas... avec des forfaits mensuels pour des écoutes illimitées. Deezer en profite pour payer son infrastructure permettant de proposer plusieurs millions de titres, sauf qu'en décentralisé ça coûte rien comme le prouve PopcornTime.
Sauf que le dématéralisé ne rémunère pas assez les artistes, et encore moins ceux qui ne sont pas connus puisque la rémunération est basée sur le nombre d'écoutes. Certains artistes ont alors pris une décision : quitter le navire. Coldplay, Adèle ou encore Thom York de Radiohead. S'autoproduire est la meilleure solution et Radiohead a carrément dit non aux majors. Certains artistes quittent les diffuseurs comme Spotify et Deezer parce que la rémunération sur iTunes est bien plus intéressante ! Mais il faut comprendre que le système est différent entre louer un titre sur Deezer ou l'acheter sur iTunes.
Personnellement je n'ai pas été séduit par les offres premium et la raison en est simple : je souhaite être propriétaire d'une copie du fichier pour lequel j'ai payé. Je ne vois pas l'intérêt de payer 10 ans d'abonnement pour écouter des milliers d'albums et puis le jour où le service disparaît (ou que je ne paie plus) je n'ai aucun morceau à écouter. Chacun voit la chose à sa façon, je sais que d'autres se sont fait à ce système qui leur convient, ce n'est pas mon cas.
Comment je soutiens les artistes allez-vous me dire ? C'est très simple, je me rends à un maximum de concert et je paye pour une prestation live. Quand un artiste que j'aime se déplace dans ma ville je n'hésite pas à prendre une place. Exceptés quelques têtes d'affiches comme Muse, Coldplay, U2... la plupart des places sont très abordables. Et pour l'écoute des morceaux, la plupart sont présents sur YouTube sur la chaîne officielle de chaque artiste, celle-ci étant monnétisé cela va aussi dans sa poche (enfin ça c'est quand le peering YouTube va bien).
Le cas Netflix
Ah ! venons-en à nos copains de netflix qui nous ont annoncé un réseau sympatique d'un terabit par seconde pour l'héxagone tout récemment. Tout le monde tremble chez Canalplus/Canalsat ainsi qu'au gouvernement qui tente tout pour limiter les dégâts d'un succès annoncé.
Faisons un petit saut en arrière. Il y a dix ans nous avions principalement deux systèmes de réception de TV satellitaire en concurrence : Canalsat et TPS. Chacun tentait d'engrenger le maximum d'abonnés en proposant des offres et packs attractifs à des tarifs raisonnables.
Et puis en 2007 Canalsat avale TPS, c'est la fusion. Aurevoir la concurrence, il ne reste plus que celle des box... les box n'intéresse pas vraiment Canalsat car une partie du rendement se fait sur la location du décodeur numérique, et avec une box il n'y a rien à facturer. Cependant Canalsat n'a pas le choix que de proposer ses offres sur box, au sein d'une interface austère et pas du tout en harmonie avec celle de la box. En tout cas sur la freebox v6 l'interface Canalsat est vraiment pauvre et les fonctionnalités natives de la freebox réduites à néant (pas de PIP, pas de bouquets de chaine, pas de renumération). Si les gens veulent mieux ils n'ont qu'à prendre le décodeur Canalsat après tout. Sauf qu'en france le quadruple play est tellement implanté que ça ferait doublon d'avoir une box et un décodeur. Et merde, on est coincé !
Je vous passe le chapitre Hadopi : tout le monde pirate des films, c'est pas bon pour l'industrie du film, on ne va plus pouvoir faire de films de qualité, les gens ne vont plus au ciné. Sauf que c'est l'inverse, le cinéma connaît une progression à deux chiffres. Et merde, comment on explique ça ? Non seulement les gens piratent des films mais en plus ils ont le culot d'avoir les voir au cinéma ?
The PUR@bay
Puis la dématérialisation arrive... on commence à voir apparaître des plateformes de VOD. Pour que les gens ne téléchargent plus il suffit de leur proposer de payer le film en ligne. L'idée était bonne ! Sauf que la qualité mais surtout le contenu des plateformes de téléchargement légales laissent sérieusement à désirer, sans parler des DRM. C'est un peu comme quand TF1 ou M6 diffuse des épisodes d'une série dans le désordre, ça ne donne pas envie.
Ah oui mais vous comprenez tant qu'il y aura du téléchargement illégal on ne pourra pas améliorer les plateformes d'offres légales monsieur !
Ah bon ?
Et paf Netflix qui débarque en france ! Un système de diffusion illimité proposant un catalogue de films et séries pour moins de 10 euros mensuels. Une interface fonctionnelle et rapide qui fonctionnent sur consoles, ordinateur, tablette... et qui cartonne dans les pays concernés. Et puis si vous n'êtes pas content c'est sans engagement. A ce propos avez-vous déjà essayé de résilier votre abonnement Canalsat ? et c'était facile ?
La licence globale
Tout ça pour quoi ? Nous en sommes arriver à la situation paradoxale de la licence globale que le gouvernement a toujours rejeté en masse. Au lieu d'avoir des services français on reverse tous nos abonnements premium à des services étrangers, américains pour la plupart. C'est à dire qu'on paye un prestataire pour chaque type de contenu en illimité : musique, films et mêmes les livres !
https://www.youtube.com/watch?v=RlXu62DjI1Y
A force de fermer les yeux et de prendre les gens pour des demeurés en leur faisant croire que "pirater" un film c'est comme voler un cd à la fnac... que voler du dématérialisé c'est comme voler un support physique... et bien maintenant ça flippe grave. Les yeux fermés il faut dire que ce n'est pas facile d'anticiper non plus.
Je ne sais pas quelle est la solution parfaite pour limiter les dégâts, mais j'ai l'impression que la TV a peu évoluée depuis 30 ans sur son mode de fonctionnement et que les diffusions de contenus non passifs, comme internet, vont la pulvériser. Je pense que l'avenir n'est pas dans la diffusion passive mais dans la personnalisation suivant les goûts de celui qui regarde la TV. En bref la TV sera réduite à l'écran physique, tout le reste transitera par IP et à la demande.
L'effet netflix ne sera pas dévastateur car de nombreuses exclusivités sont encore chez Canalsat, mais cela risque fort d'évoluer dans les prochaines années. Si j'ai un conseil à vous donner en tant qu'abonné Canalsat appelez-les pour négocier le prix de votre abonnement canalsat / canalplus. Avec leurs hausses de tarifs et la perte d'exclusivités les résiliations sont tellement nombreuses qu'ils vous feront un geste.
Pour le reste, attendons de voir combien de temps prendra Netflix pour s'imposer en france. Entre-temps Numericable nous annonce Series-Flix! Ah, ils sont fort ces gars de la comm' !
Auteur : Mr Xhark
Fondateur du blog et passionné par les nouvelles techno, suivez-moi sur twitter
8 commentaires
coquille à la première ligne sur "depuis"
@wonderb: corrigé, merci
Le souci avec le "problème"* du piratage en France est qu'il y a un manque cruel d'offre et une demande qui est de plus en plus présente.
Les gens veulent du film en streaming, de la série en streaming, de la musique pour pas cher et personne quasiment ne fait d'effort en ce sens. Au contraire on leur rabâche que pirater c'est pô-bien et que l'industrie en meurt.
Les temps changent, les modes de consommation également et ils s'attachent bec et ongles à un modèle de diffusion dépassé ou essayent de l'appliquer au numérique (DRM, impossibilité de lire un livre Kindle si on l'a prêté à un ami etc).
Je pense que Netflix n'est pas au bout de ses peines en France, ça ne m'étonnerait même pas qu'on lui fasse la chasse comme pour Amazon au lieu de se remettre en question et c'est prendre le problème du mauvais côté.
Aujourd'hui il est plus facile pour moi de trouver un film, un documentaire, une série sur Dpstream, YouTube, les trackers et cie que de chercher à l'acheter (Arte a commencé en ce sens mais ils ont énormément de bridages (géographique, protocole fermé pour la HD etc)).
Si nous, les utilisateurs galérons à ce point avec toutes ces limitations désuètes je ne vous laisse même pas imaginer comment les Apple, les Deezer, les Netflix doivent se taper des migraines quotidiennes. On a le droit de voir le contenu mais attention il est interdit de le partager comme bon nous semble (droits de diffusion prohibitifs, clauses très complexes pour pas grand chose etc) et c'est malsain.
On privilégie les gros acteurs qui par leur leadership ont le pouvoir d'imposer leurs choix (Apple qui à l'époque d'iTunes a forcé les majors à vendre leurs musiques à des prix fixés; d'où le fameux 0,99$ par morceau) et on délaisse totalement les petits en leur forçant à manger ce qu'on veut comme on le veut.
Il faudrait vraiment que notre pays soit un modèle dans le genre, qu'il change ses lois, dynamise le secteur, produise des services innovants et assure une transition propre car là on est en train de tout céder aux Américains (je n'ai rien contre eux attention) qui ont un temps d'avance sur nous.
La copie dématérialisée a changé les ratios dépense / achat de la part du "producteur" mais je suis persuadé que bien géré ils peuvent encore plus gagner d'argent grâce à tous les potentiels clients de l'internet :).
Bougez-vous le cul, aidez les indépendants, écoutez-les sérieusement et pondez-nous un truc potable; je suis sûr que beaucoup feraient l'effort de s'y abonner pour être dans la légalité et avoir le sentiment de soutenir tout ce petit monde.
J'espère que les choses vont changer à ce niveau même si je n'y crois plus vraiment, nous sommes gouvernés par des gérontes qui ne veulent pas céder leur place et écouter les plus jeunes...
* Problème car comme dit dans cet article le ciné connaît une croissance et des études ont prouvé que les pirates consommaient plus que les non-pirates.
@Copier c'est voler: tu as bien résumé, on part d'un faux problème et on arrive sur une solution qui arrange toujours les même
Selon Pascal Negre (grand défenseur d'Hadopi devant l'Eternel) un fichier piraté = une vente perdue.
Un album coûte entre 15€ et 30€ selon l'artiste et le nombre de "chansons".
Problème : 15€ pour une ou deux "chansons" potables c'est très cher !
Un DVD coûte entre 15€ et 30€ selon...etc....
Problème : 15€ c'est trop cher pour une daube (d'autant qu'une place de ciné coûte moitié moins cher - en province)
La solution : VPN ou autre Seebox pour lesquels les internautes sont prêts à débourser 5 à 10€....
J'en reviens à un téléchargement = une vente perdue : totalement faux et démagogique, bien au contraire car les études montrent (démontrent) qu'au contraire les "pirates" sont également de gros consommateurs de supports légaux (CD, DVD, Ciné,...)
Par contre une licence globale (ou un principe équivalent) aurait permis de faire rentrer des fonds (en plus de la taxe copie privée, toujours existante mais sur laquelle P.Negre et Hadopi font de l'amnésie caractérisée !).
Voilà pourquoi NetFlix leur fait peur : les rentrées de la licence globale ne seront pas pour eux mais pour une société qui ne leur reversera qu'une partie du gâteau.
Dommage.... Les internautes étaient prêts à payer cette licence globale (ils le font pour leur VPN ou Seedbox) pour un accès illimité, simple et facile (ce que permet le téléchargement illégal).
Sans compter ce que coûte Hadopi.... qui pourrait servir autrement les acteurs de la profession.
@xtremlimit: tout à fait, il n'y a que deezer qui essaie de rayonner à l'étranger, c'est bien triste pour la france et nos dirigeants qui récoltent ce qu'ils ont semé
Exact et, comme tu le dis dans l'article, pour rémunérer les artistes, il y a les concerts, les salles de ciné, les produits dérivés,...
Jacques Attali l'avait dit lors de la mise en place d'hadopi : les acteurs du secteur doivent revoir leur modèle économique sous peine de voir leurs marges fondre drastiquement et les supports (CD, DVD,..) ne devraient être que des supports publicitaires et les rentrées se faire par les éléments cités plus haut.
Il est clair qu'avec ce modèle seuls les meilleurs réussiront.
Mais le consommateur en ayant marre de payer pour de la merde, la logique économique rattrape les majors.
Dans le temps il y avait les 45 tours : une chanson me plaisait j'achetais le 45t (voir le maxi 45t... qui valait quasiment le prix d'un album mais avec une plus-value sur le contenu) et éventuellement l'album si le contenu en valait la peine (rare !).
Aujourd'hui faut acheter l'album entier si je veux les 2 3 chansons potables et surtout pouvoir les "partager" entre mes appareils, ce que je ne peux pas faire avec un single acheté en démat (DRM mon amour).
Après faut pas s'étonner si les gens piratent.... Cest, certes, moins cher (encore que dans mon cas le coût de l'abonnement internet doit être supérieur à ce que je dépensait en vinyl à l'époque) mais surtout bien plus pratique.
On est passé d'acheter un support physique avec un contenu que l'on peut garder a vie, à un contenu immatériel que l'on a payé plus cher et qui ne nous appartient pas.
Ça me rappelle le début des années 90, ou le gouvernement français faisait tout pour ralentir la progression d'internet, et d'essayer d'imposer au monde, le fameux Minitel ... LOL